FAUNE

Vautour - Aigle - Isard - Cerf - Brame - Salamandre.

Ce matin de juillet, le village retentit des chants des passereaux revenus migrer comme tous les étés Bourg d’Oueil, à 1 300 m. est proche de la forêt. Avant de pénétrer la sapinière, nous longeons le ruisseau.

Sous une pierre, la vie est là.

Il y a un résumé de la chaîne alimentaire.

Dans un endroit privilégié, rarement en dessous de 0° C. des petits escargots, des crevettes, prédateurs primaires se nourrissent de mousses, plantes (producteurs). Les larves de libellules, d’éphémères, prédateurs secondaires consomment les primaires. Dotés d’un appétit féroce, ce sont de véritables tueurs. Il y a cependant pire qu’eux, le ditique, qui, prédateur tertiaire va régner sur ce petit monde de 500 cm2. Ce système de prédation est universel.

 

Le geai des chênes, sentinelle de la forêt, signale notre présence, hélas son observation, près des fourmilières, recevant les jets d’acide formique, debout, ailes déployées pour débarrasser ses plumes des acariens, nous a permis d’utiliser le procédé pour nos maquettes.

 

Une grange abandonnée, à l’écart, est peut être l’abri de quelques gentils rongeurs aux formes agréables. A la moindre alerte, loirs et lérots s’enfuient, ou courent sur les poutres la nuit dans les cabanes. Vrais hibernants, comme le muscardin ou la marmotte, ils sont les proies préférées de la fouine, différente de la martre par sa truffe rose et son territoire plus bas. Nous pénétrons la sapinière. Après quelques instants, le silence se rompt, la grive musicienne cherche à imiter le merle. Peut être trouverons-nous sa " forge " entourée de coquilles vides d’escargots ? Les pinsons des arbres, rouge - gorges, mésanges charbonnières, bouvreuils mâles ponctuent de couleurs l’espace vert. L’oiseau caractéristique de ce biotope est le roitelet huppé, plus petit oiseau de nos contrées qui a supplanter ici son cousin concurrent le roitelet triple bandeau vivant plus bas.

 

On contourne des fourmilières, si utiles aux forestiers, qui peuvent régaler pics, renards et blaireaux. Des rafales de " tac " se font entendre. Le pic noir doit creuser un trou dans un tronc ou chercher des insectes sous les écorces. C’est le maçon de la forêt. Combien d’oiseaux profitent de ces trous pour nicher ?. La sittelle tire son surnom de " torche pot " au fait qu’elle rebouche le trou à son diamètre corporel. Le pic noir et le pic épeiche ont inspiré les fabricants de casques. On retrouve en effet dans ceux - ci les principes mis au point par nos deux marteaux piqueurs pour atténuer les effets de leurs frappes sur leur cerveau. Il baigne dans un liquide amortisseur et les os crâniens sont agencés spécialement pour diffuser les ondes de choc.

 

Des cônes au sol. Un écureuil, plus sombre que celui de la plaine, doit venir dans les parages. Un chemin humide se présente, magnifique piège à traces. Effectivement en y regardant de plus près, on distingue un passage de biche. Les cervidés introduits dans le massif en 1950 pullulent maintenant. On est très loin de l’équilibre de quatre cerfs ou huit chevreuils pour cent hectares. Leurs prédateurs, loup, lynx, ne sont plus là.

Pyros n’y suffit pas se contentant de proies plus faciles : brebis, cheval (à Rioumajou ).

C’est à la mi-octobre que les cris rauques des mâles retentissent lors du brame. De violents combats les opposent pour régner sur la harde de biches, indifférentes, qui élèveront seules leur faon l’année suivante.

 

On approche de la lisière, à 1 600 - 1 700 m. on peut avoir la chance de surprendre un coq de bruyère dont c’est le biotope. Il se nourrit de baies, graines, aux beaux jours. Grâce à un cæcum performant il peut se contenter d'aiguilles de résineux, l’hiver, en complément des baies gelées du sorbier. A cette altitude, il s’est organisé pour subir les froids rigoureux. Des plumes lui poussent devant les narines et aux pattes pour lui éviter de se refroidir. Oiseau lourd (5 kilos ), il faut veiller à ne pas le déranger l’hiver. Le grand tétras a si peu de réserves pour gérer le froid que deux ou trois envols dans une journée peuvent l’affaiblir à en mourir. Ses parades printanières sont bien connues des chasseurs qui attendent le " ploc ".

Nous marchons jusqu’à la crête herbeuse pour rejoindre le petit col d’où nous redescendrons sur le versant Sud / Sud-Est. La pause nous permet d’apercevoir un couple d’aigles scrutant les pentes. Leur retour sur le massif n’est pas étranger à la réintroduction des marmottes dans les années 1950 - 60. Comme tous les oiseaux d’altitude, l’aigle est équipé d’un système pulmonaire et métabolique performant pour gérer les variations d’oxygène et de pressions atmosphériques en vol ou en piqué. Plus loin, un faucon crécerelle mouline des ailes en sur place. Les carnivores peuvent remercier les campagnols qui servent de garde-manger permanent. Pour compenser les pertes, ceux-ci sont très prolifiques : ils peuvent se reproduire dès l’âge d’un mois.

Dans les hautes herbes de la soulane, criquets et sauterelles s’égaient. Comme beaucoup d’insectes, ils se sont adaptés. De teinte sombre, ils ont les ailes atrophiées, voire inexistantes comme chez certaines femelles de papillons. Le froid, qui retarde les métamorphoses, la faible pression atmosphérique, les vents violents interdisant le vol les ont transformés. Les lézards, dont ils sont le menu, ne sont pas loin, enfin réchauffés.

 

Si nous étions passés après un orage, nous aurions peut - être aperçu la salamandre noire quêtant insectes, vers ou escargots. Elle est représentative de l’adaptation à la montagne des animaux à sang froid (poï kilo thermes). Reptiles, insectes, batraciens, sauriens se sont modifiés. Beaucoup sont sombres (mélanisme) attendent le soleil pour se réchauffer, se mouvoir, vivent sous les pierres qui conservent la chaleur. Certains se sont aplatis pour mieux s’y glisser. Des lézards sont devenus vivipares, la salamandre noire ovovivipare. Les têtards des grenouilles rousses mettent des années à se métamorphoser (20 ans dans la réserve de Néouvielle).

Les reptiles cherchent des biocouries entre 0° et + 5° C. Tous sont souvent engourdis, passent l’hiver sous la neige ( 0° à 30 cm. de profondeur ). Certaines grenouilles ont un anti-gel dans le corps ou peuvent se congeler / décongeler.

 

La hêtraie - sapinière se présente. Le sanglier s’y goinfre de faines, partage la soue avec les cervidés. Le blaireau loge dans un terrier remarquable par le déblaiement de terre ventru. C’est l’indicateur de la progression de la rage propagée par son voisin le renard, coureur d’espaces infatigable qui peut aller à l’étage alpin enneigé attraper les campagnols d’un bond très esthétique. Les traces de ce dernier, sur la neige, indiquent souvent les trajectoires de moindre fatigue.

La sittelle arpente les troncs tête en bas, en quête de xylophages. La rosalie alpine déambule sur les troncs morts pour les décomposer. La chouette hulotte niche ici, dont le chant rend la nuit moins déserte. Elle attendra le crépuscule pour aller chasser les rongeurs, imitant la chouette effraie, qui, souvent près des villages, promène son ivoire d’un vol lent et silencieux.

Peu avant le village, un couleuvreau à collier, blanc sur la nuque, venu profiter des derniers rayons, s’enfuit dans une haie protectrice. Les aboiements d’un labrit nous escortent jusqu’à la voiture.

 

Le lendemain matin, direction vallée du Lys. Nous franchissons la rivière, ici biotope à truites. Il pourrait y avoir la fario pyrénéenne reconnaissable aux points rouges à la base antérieure de la nageoire dorsale, mais sûrement pas le cingle plongeur, le desman, qui recherchent des endroits plus calmes. Nous montons pour atteindre l’étage alpin où nous espérons voir quelques vedettes de la faune pyrénéenne. On nous a indiqué où trouver les marmottes. Discrets, nous les surprenons au soleil, faisant la sieste après leur déjeuner matinal. Mammifères venus d’Asie il y a 200 000 ans, elles passent l’été à engranger de la graisse. Homéothermes, elles ont résolu le problème de l’hiver par l’hibernation, alors que d’autres vont redescendre ou s’adapter autrement. Bien au chaud dans le terrier d’hiver, en contrebas de celui d’été, orifice bouché, elles se mettent en léthargie. Leur température passe de 36° à 8 ° C. voire 4,5° C., le cœur, de 220 pulsations / min. à 30. N’ayant qu’une certaine quantité d’oxygène enfermée dans le terrier pour l’hiver, elles respirent deux à trois fois par minute, leur graisse leur fournit l’énergie suffisante. Elles se réveilleront quand la température extérieure sera proche de 18°. Un sifflet retentit, elles rentrent toutes aux abris, un vautour survolant le site. Douées d’une bonne ouïe, d’un bon odorat, elles n’ont pas une vue perçante. Dans le doute, mieux vaut ne pas s’abstenir.

Nous quittons la soulane pour rejoindre le col de Pinata. Plus haut, lagopèdes et isards sont souvent présents. La perdrix des neiges est l’as du camouflage : trois livrées dans l’année pour se fondre dans le paysage, afin de mieux résister au froid ses plumes sont creuses. L’hiver, du duvet isolant vient lui faire des raquettes aux pattes, facilitant sa progression sur la neige ( lago = lièvre, pède = patte ). Son homochromie a un défaut : le sourcil rouge chez le mâle, peut être, comme souvent chez les perdrix, pour détourner l’attention des prédateurs (renards, hermines, aigles ) de la femelle à préserver. Ayant une confiance absolue dans son camouflage, il se laisse relativement approcher par l’homme (20 - 30 m.). Il n’est pas le seul tenant de l’homochromie : le lièvre variable quasiment absent des Pyrénées, l’hermine, parfois la belette, le sont.

 

L’isard, lui, est un résumé de ce qui se fait de mieux dans les adaptations à la haute montagne : pigmentation sombre (mélanisme) des poils en hiver, plus longs, plus denses (duvet) pour résister au froid - amélioration du système cardio-vasculo-pulmonaire (cœur plus musclé, réseau vasculaire spécifique, poumons plus grands) - un métabolisme performant pour véhiculer l’oxygène (plus de globules rouges plus petits pour un meilleur transport) - couche de graisse sous-cutanée (isolation, réserves) - formes rondes, museau, oreilles, pattes raccourcis (limitant les échanges thermiques) - adaptation de la forme des sabots aux reliefs glacés. Il peut tenir l’hiver, descendant dans les bois si les lichens ne suffisent pas.

Une harde est justement à l’ombre sur ce versant Nord. Ils s’enfuient. Dommage ! . Les jeunes de l’année (bruhous) auraient pu nous montrer leurs ruades, courses ou bonds dont on ne se lasse pas. Devenus adultes les mâles deviendront solitaires (soulets) laissant les femelles ensemble. En automne, pendant le rut, ils se courseront sur les pentes pour avoir la prédominance, jusqu’à bousculer les congénères dans le contrebas.

 

Les vautours continuent leur ronde, empruntant, au matin, les thermiques des pentes rocheuses exposées à l’est pour s’élever. Ils sillonnent leur territoire d’estives. Avec les corneilles, corbeaux, milans royaux parfois, renards, gypaètes barbus, ils constituent une synusie de charognards, ébouant les cadavres. Ces derniers, presque mythiques, finissent le travail en ingurgitant les os. Plus grands voiliers des Pyrénées, ils arborent un magnifique poitrail orangé. La teinture de leurs plumes, dans des eaux ferrugineuses, serait une phase initiatique de passage à l’état adulte.

Quelques chocards font des arabesques aériennes. Ce sont les rares nicheurs de haute montagne, profitant des falaises calcaires ou des diaclases pour nidifier. Noirs, évidemment, ils ont des ailes plus larges pour compenser le manque de pression atmosphérique, atterrir ou décoller malgré les vents violents.

 

En redescendant, un rouge-queue migrateur nous regarde passer, sautillant nerveusement sur les pierres. Un bousier traverse le chemin. Amateur d’excréments, il intervient dans la chaîne alimentaire, facilitant le travail des décomposeurs (vers, champignons, asticots, bactéries ). Un cycle se boucle. L’herbe pourra repousser, nourrissant...

 

Ah ! La Nature.