L’HABITAT TRADITIONNEL

 

 Le village - La pente - LES MATERIAUX : la pierre - la pierre à chaux - le bois - la couverture - la maison.

 

Le Luchonnais se caractérise par la densité de ses villages, témoins de la présence passée d’un grand nombre d’habitants. Le groupement, l’orientation des bâtisses, l’emplacement des villages, le choix des matériaux sont les solutions répondant aux conditions climatiques, à l’exploitation maximum des ressources, à la pédologie, à la pression humaine, à l’étagement de la végétation, à la géologie.

Bourg, Cires, Caubous, Mayrègne, en Oueil, Billiere, Garin, Cathervielle, Poubeau, Portet, Jurvielle, en Larboust profitent du soleil des soulanes de vallées orientées Est/Ouest. Ils sont à l’abri des vents dominants Ouest, Nord/Ouest, Nord, derrière des éperons Nord/Sud. Les pentes peu accentuées, ont peu de dépôts morainiques, ce qui permet de construire sur la roche en place. Ils sont à la limite supérieure des cultures, ramassés (la moindre parcelle de terrain est précieuse), aux abords immédiats des zones de pâture (tous sont à plus de 1 000 m). L’emplacement des autres villages, plus bas, dans des zones plus froides ou moins abritées s’explique par la proximité de vastes forêts, pâturages, au Sud (St. Aventin, Castillon, Cazaux) de terrasses riches (St. Paul), d’un beau terroir (Oô).

La vallée en auge de Luchon, aux pentes raides impose des emplacements en fond de vallée, fertiles ou sur les cônes de déjection. Artigue, Gouaux de Luchon sont installés dès que la pente le permet, en limite basse des pâtures, au meilleur ensoleillement possible.

Les villages, aux abords des prairies irriguées, des champs labourés sur les pentes, nécessitent des relais pour l’exploitation des prairies d’altitude. Selon les positions et l’étendue des territoires des communes, les bordes sont groupées en véritables villages annexes éloignés ou disséminés si le village est près des prairies. Dans le deuxième cas, les bordes, à guère plus d’une demi-heure de marche, abritent souvent les génisses, permettent de grossir les troupeaux sans empiéter sur le petit territoire du village, évitent de redescendre du fourrage.

Le dernier niveau de construction est la cabane d’altitude quand les estives sont à plus de 2000 m. Souvent situées sur des replats, elles accueillent les bergers en été. On en trouve sur la haute chaîne :

Le village :

Les exploitations agricoles sont organisées en " parc ".

Les habitations ont leur façade exposée au Sud, Sud/Sud-Est. Selon l’orientation des vallées, elles sont parallèles ou perpendiculaires aux courbes de niveau. De part et d’autre, formant une cour, l’agriculteur adjoint une étable, une grange, perpendiculaires à la maison pour l’abriter du vent. Un mur vient clore la cour où le porche d’entrée est souvent constitué de pierres ornementales, sculptées, signifiant l’aisance ou non des propriétaires. L’occupation du terrain est anarchique. On ne construit pas le long de rus. Les maisons se serrent au long de chemins méandreux, étroits, propices à la diffusion des incendies, des maladies.

Le grain est stocké à l’étage. Les outils sont rangés en dessous où on dépique le grain sur des draps au fléau, au rouleau, plus tard à la machine à dépiquer communale.

La pente :

Il faut s’en faire une alliée pour réduire les charges de travail. On amène le foin, le grain par le haut. Des trappes sont aménagées dans le plancher. On y passe le fourrage pour nourrir le bétail.

Quand la pente est trop forte on enterre le rez de chaussée. Deux pièces (" sala bacha, hournère ") servent de débarras, de buanderie, de boulangerie, de laboratoire. Les habitants vivent alors à l’étage où sont cuisine et chambres.

 On entre de plain-pied dans les maisons construites dans l’axe des courbes de niveau.

 

LES MATERIAUX

LA PIERRE

A la différence des Alpes, les Luchonnais utilisent massivement la pierre. Est-ce parce que les seigneurs ont longtemps limité les droits d’usages dans les forêts, est-ce dans la continuité celte de vénération des pierres ?

En Oueil (photo A), on emploie calcaire, grès, schiste, granite des blocs ératiques d’Espiau ; en Larboust, le choix est grand entre granite, grès vert, schiste, gneiss, les galets des torrents (photo D).

En Vallée de Luchon, les schistes carburés teintent de sombre les murs (photo C).

Les murs sont épais (80 à 120 cm). Les pierres sont jointes avec un torchis où le fumier de cheval joue le rôle d’isolant. L’architecture est standardisée. Tout le monde reproduit le modèle. Les pignons avec " penaous " permettent d’accéder à la cheminée, empêchent le vent de s’engouffrer sous le toit, surtout servent de coupe-feu lors des incendies (photo C).

Un minimum d’ouvertures y sont pratiquées pour ne pas refroidir les pièces alors à peine chauffées.

Les plus grandes pierres, (granite, schiste carburé, calcaire) sont taillées pour les angles de murs (harpage) elles peuvent mesurer plus d’un mètre.

Les grandes pierres plates deviennent des dalles (Lavassés) dans les couloirs, protègent les fenêtres des précipitations (photo C) garnissent les foyers de cheminées.

Les abreuvoirs sont taillés dans la masse (" pierre bleue " à Billière).

 

PIERRE À CHAUX

Elle est exploitée localement là où il y a du calcaire et du bois à proximité. Des fours à chaux existaient à Mayrègne au col de la Plagne ; à Cazarilh ; entre Sode et Artigue.

Cette maison à Sode a l’originalité d’avoir des pierres en protection au-dessus des fenêtres. Comme la pente est forte, le mur de soutènement est important impliquant la belle hauteur du four à pain joignant le premier niveau d’habitation.

LE BOIS

Le frêne a pu servir à la charpente. Le sapin, plus souple, moins lourd est le plus employé en Oueil et en Larboust.

En Vallée de Luchon, plus basse, le chêne se plaît. Son utilisation en charpente permet des toits plus complexes, plus lourds.

A Sode, cette maison possède un habillage de fenêtres peu fréquent, en chêne. Les volets, leur système de fermeture sont du même bois (photo D).

Le foin entassé dans les granges nécessite d’être aéré pour éviter le pourrissement. Il y a donc systématiquement un pignon exposé au soleil. Pour laisser passer l’air chaud, un bardage de planches de sapin plus ou moins espacées (la " midiéra ") ou pour les moins riches un clayonnage de branches de noisetier ou de bourdaine (" la cléda ") ont été les solutions (photo E).

L’air humidifié ressort par les " houto ".

Bûcher à Cazeaux de Larboust

Photo E : Granges à Gouaux de Larboust exposées à l’Est.

 

LA COUVERTURE

Dans cette région à fortes pluies, les toits sont à forte pente (80 à 110 %) pour les évacuer rapidement. Le chaume de seigle, très isolant, sur place et pas cher, a longtemps servi (photo G). Il a été remplacé par l’ardoise depuis le milieu du XIXème siècle, et interdit en 1950 (assurance) parce que trop inflammable, remplacé par la tôle. L’ardoise, qui se recouvre bien, est idéale pour la pluie, elle se travaille bien. Pour ne pas garder la neige sur le toit pentu, pourtant bonne isolante, il n’y a pas d’arrêt. La charpente est aménagée (" coyau ") pour assurer le freinage et un démarrage moins rapide de la neige lors de son glissement. Pour résister au vent, mieux écouler l’eau, la taille des ardoises, petites en haut s’agrandit vers le bas. Les plus grandes débordent du mur, faisant office de gouttière (photo H). Les " capucines ", fenêtres sur le toit (photo F), indiquent la plupart du temps les chambres.

 Capucines Houteau

 

LA MAISON

Quand la maison est enterrée, à cause de la pente, deux pièces sont au sous-sol: la hournère, le céré. Les hommes vivent à l’étage où une cloison en bois (le tampat) sépare la ou les chambres de la cuisine. Les parents couchent souvent dans la cuisine. Les enfants dorment ensemble, tête-bêche, pour se tenir au chaud. Dans le même but, des grands rideaux descendants du plafond, entourent les lits dans les chambres.

* La hournère contient le four à pain (hour), une large cuve à lessive en bois cerclée de fer (arusquade), la " barita ", tamis cylindrique pour le butage de la farine, la barate, le pétrin près du four (une fournée tous les quinze jours ou tous les mois).

* Le céré contient: outils de jardinage, de charpente, du bâtiment - harnais à chevaux - paniers - tas de pommes de terre - foyer où cuire le cochon dans un chaudron (le métau) - saloir en bois ou en granit où les viandes (brebis, chèvres) sont salées. Ces dernières seront ensuite pendues aux plafonds dans la cuisine ou la chambre à côté des jambons, saucissons de porc.

* La cuisine est la seule pièce chauffée. On y vit. Une grande cheminée accueille un chaudron où mijote la soupe. Les veillées, les repas se font autour d’une grande table rectangulaire entourée de bancs, de chaises. On peut trouver un buffet surmonté d’un vaisselier, un confiturier encastré dans le mur où sont stockées des vivres.

Attenante à la cuisine, la souillarde (crambète) où l’on fait la vaisselle sans évier.

L’eau sale est évacuée à l’extérieur par un trou dans le mur.

 

Demeure de la famille JOUAN, à Cathervielle.

Les choix faits pour la construction ne sont pas parfaits. Alors qu’ailleurs on choisit de retenir la neige sur le toit pour isoler, le troupeau au sous-sol pour chauffer, les luchonnais vivent les hivers relativement au frais. L’emplacement de certains villages est à risques pour jouir d’un maximum de pâturages on ne reboise pas au dessus. Ainsi, en Oueil, Bourg, Saccourvielle, Cazarilh ont subi des destructions plus ou moins prononcées par des avalanches, des coulées de boue. En Larboust, des gros blocs erratiques peuvent descendre sur Castillon, sur Bernet.

Les villages de la vallée de Luchon sont à l’abri de ces calamités.

Depuis quelques années, la pression humaine n’étant plus ce qu’elle a été, les hauteurs sont reboisées par l’O.N.F. Les nouveaux matériaux isolants, les méthodes de chauffage actuelles rendent les maisons beaucoup plus confortables.