Aragnouet un tunnel, une Réserve naturelle et une station

 

Roger Castagné, maire de la commune d'Aragnouet nous raconte le tunnel et la Réserve du Néouvielle.

A Ourde, la salle de classe abandonnée depuis longtemps revit, ouverte à tous comme salle communale

A Gaudent, Notre-Dame du Plan d'Ilheu a vécu son pèlerinage de l'an 2000

 

 

 

Roger Castagné, maire de la commune d'Aragnouet nous raconte le tunnel et la Réserve du Néouvielle.

 

"C'est Jean Pichon , mon prédécesseur à la mairie d'Aragnouet, qui a eu l'idée de créer ce tunnel transfrontalier en 1958. La route existait depuis 1950 mais elle menait à la chapelle des Templiers et puis s'arrêtait, on partait ensuite dans la montagne par des sentiers ; on passait les cols vers l'Espagne à pied et avec des mulets et des ânes pour transporter les marchandises. Un trafic économique existait depuis toujours entre l'Aragon, la haute vallée de Cinca, et les vallées d'Aure mais on devait traverser les plus hautes montagnes lorsqu'il n'y avait plus de neige. Il ne pouvait que se développer pour faire vivre deux pays décemment puisque l'on partait allégrement vers le IIIème millénaire.

Le projet fut long à monter car il fallait trouver l'argent, passer les accords avec l'Espagne, trouver le site le plus approprié mais il était évident qu'il devait se trouver au bout de la route dit du Plan à la chapelle des Templiers.

Il fallait donc désenclaver la vallée d'Aure pour l'ouvrir vers l'Espagne, il y avait des besoins de communication plus faciles, entre les deux pays. Cela devenait une priorité.

Lorsque tout fut prêt, les travaux commencèrent. Le tunnel est pour moitié français et pour moitié espagnol. Il s'étend sur 3.500 kms et il fallut du temps pour le réaliser. Les routes y accédant furent également construites des deux côtés. Nous eûmes bien des subventions mais la commune paya sa part elle aussi. Les travaux sont amortis depuis longtemps.

Ce tunnel n'avait été prévu que pour les automobiles et les autocars. Il y avait deux postes frontières, un en France à l'entrée, et un en Espagne à la sortie. Je ne vous dis pas ce qu'il fallait attendre au moment des contrôles ! Il y avait une de ces files de voitures ! J'ai éprouvé deux sentiments lorsque tout a été terminé et que le tunnel a été inauguré : la fierté devant la beauté de l'ouvrage et la joie de savoir qu'il allait développer économiquement les vallées.

Il était une liaison entre deux pays qui s'étaient toujours fréquentés mais qui allaient voir leur rapports se développer à grande vitesse. Après l'ouverture du tunnel, il y eut des passages importants des deux côtés : les français se rendirent en Espagne oû les paysages sont magnifiques, ou le soleil est omniprésent, où les canyons se succèdent dans des montagnes superbes et où il y a des villages abandonnés malheureusement mais ceux qui ne le sont pas, sont bien entretenus, ils ont gardé leur cachet et leur histoire.

Et les espagnols sont arrivés en France pour connaître un pays tout aussi beau mais différent avec des vallées encaissées, des villes et des villages chargés d'histoire et un commerce moderne. Bien sûr, en Espagne, les français trouveront toujours des produits bien moins chers qu'en France mais les espagnols ne dédaignent pas nos magasins. De plus, dès que les stations ont vu le jour, les espagnols sont arrivés en masse skier sur nos pistes.

Il est évident qu'un tel ouvrage ne pouvait être rentable en aucune manière. Les poids lourds sont arrivés après l'ouverture des frontières en 1996 puisqu'il ne fallait plus attendre, les postes ayant été supprimés. Mais cependant nous avons interdit la circulation aux camions transportant des matières dangereuses. Le tunnel est éclairé côté espagnol et pas du tout côté français mais un projet d'aménagement est à l'étude pour améliorer la sécurité, par la Direction de l'Aménagement des Routes du Département des H.P. Nous avons mis en place un contrôle afin que les poids lourds ne se croisent pas à l'intérieur du tunnel.

La trafic n'est pas régulier, il y a des pointes importantes en juillet et août. Cette année, le mois de juillet n'a pas été très favorable au niveau touristique et il y a eu un passage très important vers l'Espagne vers le soleil. Un comptage est en cours. Sur ce plan-là, tout est positif, cela prouve que les personnes qui sont en vacances ici ne sont pas obligées de rester dans le froid et la pluie et peuvent aller randonner sur l'autre versant ensoleillé. Il y a un contraste entre les deux versants : il est fréquent que lorsqu'il fait froid et qu'il pleut ici, de l'autre côté, il y a un soleil radieux.

Tout le monde y trouve son compte. L'hiver c'est pareil et de plus, on peut circuler en toute sécurité car on a mis en place des mesures importantes pour éviter les avalanches et déneiger complètement les routes. Dans l'inter-saison le trafic des camions augmente, avec ceux qui transportant des céréales du 65 et du 32 partent vers l'Espagne. On rencontre aussi des camions de bois qui circulent dans les deux sens. On constate que ce trafic de poids lourds est en augmentation. Les week-end et jours fériés, les habitants vont faire un tour en Espagne. C'est un dépaysement pour eux.

Tout ce secteur transfrontalier a été inscrit au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'Unesco à cause de la beauté, de la richesse des paysages, de la faune et de la flore.

Aragnouet est une vallée très longue qui part de la sortie de Saint-Lary et va jusqu'à 1'Espagne. Nous avons 70 lacs parmi les plus beaux dans le secteur de la Réserve du Néouvielle. Ce sont des lacs artificiels même si au départ, ils existaient naturellement en bien moindre importance. Leur capacité en eau a été augmentée et tous ces ouvrages, patinés par le temps, bâtis en pierre, (ce qui s'intègre bien dans le paysage), sont la réserve en eau la plus importante des Pyrénées avec 70 millions de m3. C'est une richesse incomparable.

La réserve Naturelle accueille 120 à 130 mille visiteurs sur les deux mois et demi de l'été.

On y trouve aussi une végétation spécifique comme le pin à crochets qui pousse jusqu'à 2800 mètres d'altitude (la forêt la plus haute d'Europe).

Au point de vue de la faune, nous trouvons, outre les animaux autochtones des Pyrénées, un batracien unique, le crapaud accoucheur qui met 20 ans pour se développer et que l'on ne peut trouver que dans les lacs de haute altitude situés à 2500-2600 mètres. C'est une spécificité du pays et une espèce protégée. Vous me posez la question : "si je ne suis pas un peu désolé de voir toutes ces voitures filer vers l'Espagne sans s'arrêter ?" Et bien non, car si elle s'arrêtaient, il faudrait construire des infrastructures et dénaturer complètement un paysage magnifique que l'on vient visiter avec plaisir. C'est un choix de vie. La station de Piau fait vivre le village et la vallée car il y a de nombreux employés. Comme à Saint-Lary, il faut attirer le monde qui correspond à nos capacités".

Chloé Desaulnes

 

 

 

A Ourde, la salle de classe abandonnée depuis longtemps revit, ouverte à tous comme salle communale

 

Ourde

Il ne reste plus guère d'école en Barousse à part à Loures, Izaourt, Siradan et Saléchan. Mais celles qui ont cessé de vivre définitivement sont rénovées et transformées. Ourde en Barousse, depuis son promontoire qui surveille la vallée, s'est réuni le samedi 2 septembre 2000 pour inaugurer la salle communale nouvellement installée dans l'école fermée depuis au moins 30 ans, la place publique qui jouxte la mairie et dans la foulée tous les autres travaux qui ont embelli la commune à savoir l'enfouissement des lignes électriques et téléphoniques et le goudronnage de toutes les rues.

Ourde est un des plus jolis villages de la vallée où il fait bon vivre mais où il ne reste plus que deux agriculteurs contre 12 il y a 15 ans. La plupart des maisons sont occupées par des résidents secondaires mais le village vit autour de ses quatre fontaines dont la plus monumentale et la plus admirée est celle de la "Cahouille" où les femmes venaient laver autrefois. La place de la fontaine de la Clotte est désormais toute fleurie et les anciens rient encore lorsqu'ils se souviennent des "temps agricoles", temps où les vaches et les brebis se bousculaient devant les fontaines qui s'écoulaient dans les caniveaux creusés au milieu des rues et piétinaient dans la boue. Tout cela est oublié maintenant et le village est bien coquet autour de son église classée par les Monuments historiques.

Le village s'était réuni pour faire la fête et il y avait parmi les invités une des institutrices de Ourde, Odette Molinari, qui avait 18 ans lorsqu'elle monta s'installer dans ce petit village. Pour l'occasion, elle nous raconte cette école avec passion : c'était son premier poste.

"Je suis sortie de l'Ecole Normale de Tarbes (65) alors que mes parents étaient de Luchon (31) et on me signala qu'il y avait un poste qui se libérait en Barousse, près de chez moi. Je m'empressais de rédiger une belle demande en y mettant les formes à l'inspecteur d'Académie et elle fut acceptée tout de suite. Ce devait être un cas unique. Il y avait 25 écoles en Barousse, une dans chaque village avec 3 classes à Mauléon et 2 dans certains villages comme Ferrère et Sost. Comme il n'y avait pas d'appartement, je fus logée chez des parents d'élèves. Ils étaient 20 car il y avait deux ou trois familles nombreuses dont une de 14 enfants, mais pas tous d'âge scolaire. Je me souviens de Jean-Marie Darnet à qui je fis passer cette année-là le concours d'entrée en 6ème et qui finit sa carrière dans les services administratifs de l'Inspection d'Académie à Tarbes. J'avais donc une classe unique avec tous les cours. J'arrivais de la ville mais je fus émerveillée par le pays que je ne voulus plus quitter ensuite puisque j'ai fait toute ma carrière en Barousse. Je jouais avec les enfants dans la cour mais on travaillait sérieusement. Ils étaient très dociles. L'inspecteur me fit descendre l'année suivante à Gembrie et je finis comme professeur au Collège en 59.

Je retrouve ici tous mes souvenirs, je revois la salle comme elle était et il y a encore la cloche que les enfants tiraient à 8 heures et à 15 heures. C'était un honneur pour eux. C'est vrai, on était bien ici.".

 

A Gaudent, Notre-Dame du Plan d'Ilheu a vécu son pèlerinage de l'an 2000

 

Le 8 septembre était la Fête de la Nativité de la Vierge Marie et en Barousse, il est de tradition de célébrer un pèlerinage à Notre-Dame du Plan d'Ilheu à Gaudent en l'honneur de cet événement le dimanche suivant. Ce dimanche 10 septembre donc, les baroussais se sont retrouvés dans la petite chapelle pour suivre la messe célébrée par l'Abbé Vincent Domec, curé de Barousse. Elle était tout juste assez grande pour accueillir tout le monde mais l'ambiance était bon enfant et recueillie.

Cette chapelle dite Notre-Dame d'En Bas en Barousse est en partie romane car les restaurations se sont succédées et ont quelque peu transformé le bâtiment d'origine. On y retrouve une abside en cul de four supportant un retable reproduisant les sept douleurs de la Vierge. Notre Dame du Plan d'Ilheu est dite aussi Notre-Dame des 7 glaives et sur le plafond, elle est représentée implorant le ciel, tenant la couronne d'épines de Jésus et son coeur est percé de 7 glaives. Sur les murs de la petite nef se trouvent 7 tableaux en relief les représentant : l'annonce de Siméon à Marie et à Joseph lors de la présentation de Jésus nouveau-né au Temple, la fuite en Egypte, la disparition de Jésus à 12 ans que sa famille retrouve au Temple, la rencontre de Marie et de Jésus portant la croix, la crucifixion, sa douleur lorsque le corps de son fils lui est rendu et la mise au tombeau. Sur le retable, 3 coeurs couronnés dont un est percé de 7 glaives, quelques angelots, une statue d'un évêque sans doute Saint Bertrand et Marie enfant avec sa mère Anne.

Sur la gauche du choeur, une petite chapelle accueille les souhaits des pèlerins car une Pietà en pierre est dite miraculeuse. On lui attribue de nombreuses guérisons.

On l'honorait autrefois par une messe solennelle que tous les pèlerins ne pouvaient suivre dedans et l'ancien cimetière devenu pelouse était rempli de monde. Les dames du village la décoraient de fleurs et les enfants se tenaient au premier rang. Ce pèlerinage étant une fête, les familles se réunissaient pour le repas traditionnel. L'après-midi on se rendait aux Vêpres et le soir, la population toute entière, dès la nuit tombée, partait de l'église de Gaudent avec des flambeaux, se rendait jusqu'à la chapelle éclairant la route. On faisait 7 fois le tour de la chapelle avant de se quitter.

Ce 10 septembre, dans son homélie, l'abbé Domec rappela que "les différences doivent être regardées comme des richesses" et il conclut ainsi : "C'est l'homme qui fait l'histoire mais pour nous, croyants, celui qui est au coeur de notre histoire c'est l'Homme-Dieu et c'est dans son sillage qu'il nous faut marcher. Cette route nous fait déboucher sur un monde de paix, de fraternité et d'éternité".

Un pique-nique champêtre suivit pour ceux qui voulaient y participer. Cette chapelle qui est pour tous les baroussais, celle où la Vierge Marie a été la plus aimée, la plus fêtée est trop souvent désertée et beaucoup de Baroussais souhaiteraient qu'il y ait plus souvent de messes célébrées dans ces murs chargés d'histoire. Et pour l'occasion, ils ont tous posé avec joie pour la photo souvenir du pèlerinage de l'an 2000, réunis autour de leur curé.

 

 

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